Laurence Bosteels lui donne la parole.
Professeur Véronique Delvenne a rejoint le Conseil d’Administration de BKF depuis septembre 2022.
Elle est pédopsychiatre et est Directrice du Centre Expert Universitaire de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent du HUB, regroupant les services de l’HUDERF et de l’Hôpital Erasme. Elle et ses équipes
pluridisciplinaires suivent les enfants, de la petite enfance jusqu’aux adolescents de 15-16 ans. Si un
jeune est suivi depuis de nombreuses années au sein du service, son suivi sera poursuivi durant sa
période de transition vers le jeune adulte.
Son service prend en charge la prévention, depuis le stade ‘in utero’. Ainsi, l’équipe périnatale prend soin
aussi des troubles psychiatriques, notamment dépressifs de la mère, pour éviter que celle-ci ne
transmette son stress au fœtus.
Professeur Delvenne est également en charge de la clinique du neuro-développement qui prend en
charge les enfants souffrant de troubles précoces tels que l’autisme ou le TDAH, afin que ces enfants
puissent s’intégrer au mieux dans la société et suivre une scolarité la plus normale possible.
Ses équipes traitent aussi la psychopathologie de l’enfant et l’adolescent, càd les troubles psychiques et
comportementaux des enfants et adolescents. Il peut s’agir de conséquences d’évènements de vie
difficiles durant l’enfance, telle que de la négligence, de la maltraitance, voire des séparations multiples.
Ces troubles s’aggravent parfois durant l’adolescence.
Mais, elle observe également des troubles chez des jeunes sans antécédents, qui présentent des troubles
des conduites alimentaires, des symptômes d’auto-aggression ou des conduites suicidaires. Tout l’enjeu
des soins à cet âge est d’empêcher que ces jeunes développent des pathologies psychiatriques plus
sévères à l’âge adulte.
Comment repérer les jeunes susceptibles de développer ces troubles plus tard ?
Deux périodes sont essentielles dans le développement du cerveau et très importantes dans la
prévention : d’une part les 1000 premiers jours (de 0 à 3 ans) et d’autre part la période de 15/16 ans à 23
ans. Durant ces périodes, le jeune évolue tant émotionnellement que physiquement. Les recherches
montrent qu’il existe, à l’adolescence, une maturation du cerveau avec des modifications des circuits
neuronaux qui modifient les rapports entre les émotions et la raison. Le cerveau est alors très sensible
aux expériences vécues, aux processus d’apprentissages et de récompenses et aux toxiques (tels que
l’alcool et les drogues). Après 23 ans on dit que le cerveau est arrivé à maturité et que l’on devient
adulte.
Actuellement, depuis le Covid, Professeur Delvenne observe malheureusement une nette augmentation
des troubles psychopathologiques chez les enfants et les adolescents. C’est parfois lié au fait que les
enfants n’ont pas pu aller à l’école notamment durant de longues périodes.
Professeur Delvenne est particulièrement heureuse d’avoir intégré le Conseil d’Administration de notre
association, car elle souhaite soutenir davantage la recherche. Aujourd’hui on commence à mieux
comprendre l’impact du stress précoce et des traumatismes de la petite enfance. Pour les troubles, dit
neurodéveloppementaux, on évolue vers une notion de ‘neurodiversité’ plutôt que de maladie ou de
handicap. Cela demandera encore pas mal de recherches pour mieux comprendre les rapports entre la
génétique et l’environnement. Dans l’autisme par exemple, on ne parle déjà plus d’une ‘maladie’ mais
d’un ‘spectre’. Les personnes autistes ont souvent un autre rapport au monde, des comportements
‘différents’, une autre intelligence, d’autres modes d’appréhension du monde avec des phénotypes (càd
la forme clinique) qui peuvent être très différents. Ce n’est ni mieux, ni moins bien, parfois cela peut
même apporter certains avantages, on voit par exemple un nombre important de personnes atteintes
d’autisme travaillant à haut niveau dans la Silicon Valley.
Ce que Professeur Delvenne aime beaucoup dans notre Fonds Scientifique, c’est que souvent les
recherches financées par BKF viennent en réponse à une question clinique observée par les cliniciens. La
clinique nourrit la recherche et inversement.
D’autre part, dans ce nouveau rôle de membre du CA au sein de BKF, elle apprend beaucoup sur le
monde du fundraising et de la philanthropie, un domaine qu’elle découvre avec beaucoup d’intérêt.
Merci à Professeur Véronique Delvenne pour cet entretien très intéressant